Ça sentait déjà le record… La célèbre collection suisse Barbier-Mueller, un trésor de cent pièces d’art africain et océanien, vient de pulvériser tous les records de vente aux enchères ! Mis à part cinq pièces préemptées par l’Etat français pour enrichir les collections du musée quai Branly, ces œuvres d’une qualité exceptionnelle et d’une rareté absolue ont fait tourner les têtes de la crème des collectionneurs d’art premier. Décryptage !
Vente record de la collection Barbier-Mueller chez Christie’s
Le 6 mars dernier, chez Christie’s, le décor était planté pour une vente qui a fait date : trois salles archi-combles, des collectionneurs les yeux rivés sur leurs téléphones, prêts à en découdre, une atmosphère électrique… Bref, tous les ingrédients étaient réunis pour que la vente de la collection Barbier-Mueller batte tous les records. Pari gagné !
Les pièces, déjà exposées et publiées à foison, reconnues et convoitées par tous les amateurs d’art premier, ont fait grimper les enchères à des sommets inédits. D’après les collectionneurs, marchands, conservateurs – on a assisté à un véritable raz-de-marée financier. A la clé, plus de 73 millions d’euros, frais compris ! Pour remettre les choses en perspective, c’est presque le double de la mythique collection Vérité en 2006 à Drouot, qui avait atteint 44 millions d’euros, et même mieux que la collection Michel Périnet avec ses 66 millions chez Christie’s en 2021.
Un adieu émouvant pour la collection Barbier-Mueller
C’était un moment chargé d’émotion, il faut bien l’admettre, que cette vente des masques et sculptures si passionnément collectionnés par Josef Mueller et ensuite par le couple Jean Paul et Monique Barbier-Mueller. Exposées avec soin dans le cadre intime du petit musée genevois qui porte leur nom, ces œuvres prennent aujourd’hui le large pour entamer une nouvelle vie. Et si l’on en croit les bruits qui courent, beaucoup d’entre elles vont traverser l’Atlantique et, qui sait, peut-être même trouver une place de choix sur les murs de prestigieux musées en Orient.
Explosion des prix pour l’art africain malgré les controverses
En ces temps de revendications de restitutions par de nombreux Etats africains, le marché de l’art africain semble tenir bon, étonnamment insensible au discours ambiant. Nous vous le disions, les enchères ont donné lieu à des records spectaculaires, gage de la valeur inébranlable de ces œuvres sur le marché international. Par exemple, une magnifique tête de reliquaire Fang, originaire du Gabon, a été adjugée pour la somme astronomique de 14,7 millions d’euros. Une statue nkisi nkondi kongo, hérissée de clous et provenant de la République Démocratique du Congo, a quant à elle été emportée pour 9 millions d’euros. Et ce n’est pas tout : le Masque-Double Nda Baulé de Côte d’Ivoire, d’une douceur et finesse remarquables qui devrait plaire aux amateurs tels que M. de Lacharrière, a trouvé preneur à 6,6 millions d’euros.
Pour autant, la surprise ne s’arrête pas aux pièces les plus célèbres… En effet, certaines œuvres moins connues ont également atteint des sommets, surpassant largement les estimations préalables des experts. C’est notamment le cas d’une élégante statuette Ebrié-Attié de Côte d’Ivoire, initialement estimée entre 20 000 et 30 000 euros, mais adjugée à 226 800 euros ! En revanche, une statue Sénoufo, également ivoirienne et estimée entre 15 000 et 25 000 euros, a été vendue pour un « modeste » 22 680 euros.
L’art océanien, star inattendue des enchères
L’art océanien a particulièrement brillé lors de cette vente qualifiée d’ « historique », et parmi les belles surprises, citons un splendide plat des îles Tami (Papouasie-Nouvelle-Guinée), estimé initialement entre 30 000 et 50 000 euros, adjugé pour, tenez-vous bien, 630 000 euros ! En cause, une pureté de design qui a conquis un public bien au-delà des habitués de l’art premier.
Le même engouement a été observé pour un plat rova de l’archipel du Vanuatu, qui a largement surpassé ses estimations de 70 000 à 100 000 euros pour s’envoler à plus de 300 000 euros. Et le clou du spectacle fut sans doute un masque des îles Sabai (Détroit de Torrès), qui a pulvérisé toutes les attentes en se vendant pour une somme vertigineuse de 5,5 millions d’euros.
Coup de filet patrimonial pour l’Etat français lors des enchères
Avis aux amateurs de musées et d’art océanien : l’Etat français a frappé un grand coup lors de la dernière vente aux enchères en sécurisant cinq pièces océaniennes d’exception pour le musée du quai Branly-Jacques Chirac. Parmi les trésors préemptés, un masque Tolaï de Nouvelle-Bretagne, un ornement de proue de pirogue des îles Salomon, un masque tedak des Îles Tanga, un autre masque-heaume de Nouvelle Bretagne, et une rare lance Kanak de Nouvelle-Calédonie.
Le Département du patrimoine et des collections du musée a expliqué que ces acquisitions viennent enrichir avec brio les collections existantes. « Ainsi les trois masques préemptés de Nouvelle-Bretagne et de Nouvelle-Irlande sont des typologies d’œuvres qui n’étaient pas représentées dans les collections ; l’ornement de proue de pirogue de Nouvelle-Géorgie (Îles Salomon) est un très bel objet avec un historique très important pour le musée du quai Branly puisqu’il est lié à Rodolphe Festetics de Tolna, un collecteur dont le musée conserve d’autres pièces et documentations. En ce qui concerne la lance kanak, il n’en existe qu’un ou deux exemplaires connus – c’est donc un complément important », explique le Département du patrimoine et des collections du musée du quai Branly.
Quant à l’absence d’acquisitions d’art africain cette fois-ci, le musée précise que les œuvres proposées correspondaient à des typologies déjà bien représentées dans leurs collections, surtout dans un contexte où la restitution des œuvres d’art africain est un sujet brûlant.
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